mardi 20 juin 2017

2 Rois 4 /8-16 On ne s'adresse pas à Dieu sans écouter ce qu'il dit - dimanche 2 juillet 2017



 2 Rois 4 :8-16

On prendra tout le récit  2 Rois  4/8-37

8 Un jour Elisée passait par Shounem. Il y avait là une femme de haut rang, qui le pressa d'accepter à manger. Dès lors, toutes les fois qu'il passait, il se retirait chez elle pour manger.
9 Elle dit à son mari : Je sais que cet homme qui passe constamment chez nous est un saint homme de Dieu.
10 Je t'en prie, faisons une petite chambre en dur à l'étage, et mettons-y pour lui un lit, une table, un siège et un porte-lampes. Quand il viendra chez nous, il pourra s'y retirer.
11 Le jour où Elisée revint, il se retira dans la chambre à l'étage et s'y coucha.
12 Il dit à Guéhazi, son serviteur : Appelle cette Shounamite. Guéhazi l'appela, et elle se présenta devant lui.
13 Elisée dit à Guéhazi : Dis-lui, je te prie : Tu as fait beaucoup de choses pour nous ; que peut-on faire pour toi ? Faut-il parler pour toi au roi ou au chef de l'armée ? Elle répondit : J'habite au milieu de mon peuple.
14 Il dit alors : Que faire pour elle ? Guéhazi répondit : Hélas, elle n'a pas de fils, et son mari est vieux.
15 Elisée dit : Appelle-la. Guéhazi l'appela ; elle se présenta à la porte.
16  Elisée lui dit : A cette époque-ci, l'année prochaine, tu auras un fils dans tes bras. Elle dit alors : Non, mon seigneur, homme de Dieu ! Ne me mens pas, à moi, ta servante !
17 Cette femme fut enceinte ; elle mit au monde un fils à la même époque, l'année suivante, comme Elisée le lui avait dit.
Mort du fils de la Shounamite
18 L'enfant grandit. Un jour qu'il était sorti vers son père, auprès des moissonneurs,
19 il dit à son père : Ma tête ! ma tête ! Le père dit à son serviteur : Porte-le à sa mère.
20 Il l'emporta et l'amena à sa mère ; l'enfant resta sur les genoux de sa mère jusqu'à midi, puis il mourut.
21 Elle monta, le coucha sur le lit de l'homme de Dieu, ferma la porte sur lui et sortit.
22 Elle appela son mari et lui dit : Envoie-moi, je te prie, un des serviteurs et une des ânesses ; je cours trouver l'homme de Dieu et je reviens.
23 Il dit : Pourquoi vas-tu le voir aujourd'hui ? Ce n'est ni nouvelle lune ni sabbat. Elle répondit : Tout va bien.
24 Puis elle fit seller l'ânesse et dit à son serviteur : Conduis-la et marche ; ne m'arrête pas en route sans que je te le dise.
25 Elle partit donc trouver l'homme de Dieu au mont Carmel. Quand l'homme de Dieu l'aperçut de loin, il dit à Guéhazi, son serviteur : C'est cette Shounamite !
26 Maintenant, cours à sa rencontre, je te prie, et dis-lui : Vas-tu bien ? Ton mari va-t-il bien ? L'enfant va-t-il bien ? Elle répondit : Tout va bien.
27 Dès qu'elle fut arrivée auprès de l'homme de Dieu dans la montagne, elle lui saisit les pieds. Guéhazi s'approcha pour la repousser, mais l'homme de Dieu dit : Laisse-la, car elle est amère ; le SEIGNEUR me l'a caché, il ne m'en a pas informé.
28 Alors elle dit : T'ai-je demandé un fils, mon seigneur ? N'ai-je pas dit : Ne me trompe pas !
29 Elisée dit à Guéhazi : Passe une ceinture à tes reins, prends mon bâton et va. Si tu rencontres quelqu'un, ne le bénis pas ; et si quelqu'un te bénit, ne lui réponds pas. Tu mettras mon bâton sur le visage du garçon.
30 La mère du garçon dit : Par la vie du SEIGNEUR et par ta propre vie, je ne te quitterai pas ! Alors il se leva et la suivit.
31 Guéhazi les avait devancés et il avait mis le bâton sur le visage du garçon ; mais il n'y eut ni voix ni signe d'attention. Il revint à la rencontre d'Elisée et le mit au courant en disant : Le garçon ne s'est pas réveillé.
Elisée rend la vie à l'enfant
32 Lorsque Elisée entra dans la maison, le garçon était mort, couché sur son lit.
33 Elisée entra et ferma la porte sur eux deux pour prier le SEIGNEUR.
34 Il monta et se coucha sur l'enfant ; il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains. Il resta courbé sur lui, et la chair de l'enfant se réchauffa.
35 Elisée revint dans la maison et se mit à marcher de long en large ; puis il remonta et se courba sur l'enfant ; alors le garçon éternua sept fois et ouvrit les yeux.
36 Elisée appela Guéhazi et lui dit : Appelle cette Shounamite. Guéhazi l'appela, et elle vint vers Elisée qui dit : Prends ton fils.
37 Elle vint et tomba à ses pieds, prosternée jusqu'à terre ; puis elle prit son fils et sortit.


Il y a des moments où l’actualité de notre foi se trouve enrichie par l’évocation du passé, si bien que la sécheresse spirituelle qui semble traverser nos communautés aujourd’hui se trouve dynamisée par la glorieuse histoire de nos Pères fondateurs. Tout cela se produit en ces temps ci,  quand nos communautés   éprouvent le besoin d’un nouveau souffle.  A n’en pas  douter, vous avez compris que j’évoque  la  modeste réalité  de nos églises d’aujourd’hui, face à l’ampleur de l’événement  que prend  l’évocation  des cinq cents ans  de la naissance du protestantisme.  Nos églises y puisent avec espoir un renouveau qu’elles espèrent revitalisant. Ce n’est pas la première fois que la sècheresse de l’actualité se trouve irriguée par l’évocation du passé.

Que retiendront les Eglises de cette page d’histoire ? Vont-elles vivre un renouveau ou vont-elles se replonger dans la nostalgie ambiante de ce  XXI eme siècle qui se cherche et qui ne trouve plus dans l’Evangile le carburant nécessaire pour alimenter le moteur de leur  foi ? L’histoire nous le dira.

Nous nous servirons de cet épisode de la geste d’Elisée pour nous aider à comprendre notre propre situation. Mais qui aujourd’hui connait l’histoire d’Elisée et  sait qu’il est compté parmi les grands prophètes de l’histoire d’Israël ?  Aucun livre de la Bible  ne lui est  consacré. On trouve  le récit de son épopée  dans  quelques chapitres du deuxième livre des Rois. Il nous est raconté qu’il reçut avec le manteau d’Elie le double de sa sagesse. Elie, quant à lui, est perçu par la tradition comme le prince des prophètes. Il ne connut pas la mort et fut enlevé vers le ciel par un char de feu, son disciple Elisée vaut le maître.

Elisée qui prit sa suite ne fut  pas le moindre des prophètes. Ce faiseur de roi est connu pour l’abondance de ses miracles. Homme de grande autorité,  il  ne badinait pas avec la morale. Il arriva qu’on l’insultât et  il ordonna aux ours de tuer  ses provocateurs. Ce héro de la foi vivait dans le Royaume du Nord vers l’an –800, à l’époque de la double monarchie. Farouche défenseur du monothéisme de Yahvé, on le trouve à l’œuvre sur tous les plans.

Son histoire fut rédigée beaucoup plus tard après le retour de l’exil, comme la plupart des textes bibliques,  à une époque  où malgré l’activisme des scribes et autres clercs,  on cherchait  à construire  la foi au vrai Dieu.  Le peuple était revenu en Israël après cinquante ans d’exil.  Il  n’y avait plus de roi et si le temple avait été reconstruit, il n’avait pas la splendeur de celui de Salomon. L’ambiance donnait dans le marasme.

Les scribes s’affairaient  en plusieurs écoles à rédiger  les textes de la Bible. Ils étaient sans doute à la recherche de héros dont l’histoire pourrait stimuler la foi. Elisée faisait sans doute partie de ces personnages dont  l’histoire haute en couleur  permettrait de donner du courage à un peuple en manque d’espérance.  C’est apparemment le but de l’épisode que nous étudions dans ce passage. Mais prêtez attention au texte, il agit comme une vraie leçon de théologie, c’est pourquoi   il dit peut être le contraire de ce qu’il raconte  car  la leçon qu’il cherche à donner est ailleurs que dans le récit lui-même.

Nous allons faire une paraphrase de ce texte en insistant sur les éléments clé de ce qu’il raconte. Elisée, trouva grâce auprès d’une femme riche et pieuse qui pourvoyait à ses besoins pendant ses séjours à Sumène, village dont on ne sait rien. Comment la remercier de sa générosité ? Constatant son manque d’enfant et la vieillesse de son mari, le prophète lui promet une naissance prochaine. De quoi se mêle-t-il ?  Une telle promesse aurait mérité un peu plus  de tact et de la délicatesse. Ne se prenait-il pas pour l’ange  qui annonça la future naissance d’Isaac à Abraham ? Mais  il n’était   pas mandaté par Dieu pour cela.


Cette promesse qu’il fit à la femme ne fut pas perçue comme une bonne nouvelle : «  Non, non, mon Seigneur, homme de Dieu ne déçoit pas ta servante » !  Sa protestation  montre peut être qu’elle est porteuse d’un secret que le prophète, malgré son intention de bien faire n’a pas perçu.  Il n’a pas été capable de discernement et il n’a pas compris qu’il s’aventurait dans un domaine où son intrusion n’était pas souhaitée. En cela  il  manquait de la délicatesse dont  il aurait eu besoin  pour  porter un message  de la part de son Dieu qu’il n’a pas consulté, si bien que ses paroles généreuses ne sont pas fondées.

Un enfant  naquit cependant. L’intuition du prophète  avait-elle été bonne ? Mais quand on est homme de Dieu, on ne parle pas par intuition, on parle parce qu’on est chargé d’un message par Dieu, mais Dieu n’avait pas été consulté. Le prophète avait agit  comme s’il savait mieux que Dieu ce qui était bon pour elle.

Puis l’enfant meurt sous le regard assez indifférent de son père. C’est comme si le père blasé s’y attendait, c’est comme s’il s’attendait à l’événement. C’est comme si cette femme mettait au monde des enfants qui ne peuvent pas vivre longtemps. Ce n’était sans  doute pas sa première expérience dans ce sens.  Etait-ce une maladie génétique qui atteignait tous les enfants qu’elle portait, on ne sait ?  Quoi qu’il en soit  Elisée ne comprend toujours pas le double langage de la femme. En la voyant venir à lui, un jour  où il n’y avait pas de raison qu’elle vienne, il aurait du comprendre. Elle lui fit dire que tout va bien alors que tout va mal.  C’est en fait de Dieu qu’elle attend quelque chose  et pas de lui. Mais il met du temps à comprendre son  désarroi.

S’il envoie son serviteur  en toute hâte pour opérer un geste qui semble magique, lui Elisée ne se presse pas. Il espère peut être que son bâton opérera le miracle sans que lui intervienne, comme l’avait fait jadis le bâton de Moïse. Mais ni le bâton de Moïse, ni le sien ne sont magiques. En fait  c’est Moïse qui tenait le bâton et c’est lui,  et non pas le bâton qui accomplit le miracle.  Ici ce n’est pas Elisée qui tient le bâton, et il n’y a pas de miracle. C’est  n’est que sur l’insistance de la femme,  qu’Elisée se déplace, et c’est elle qui invoque l’Eternel et non lui. C’est alors qu’il se permet de faire le même geste qu’Elie avait fait dans une circonstance semblable et qu’il avait réveillé un enfant. Mais à la différence d’Elie, il doit s’y prendre à deux fois, comme si  l’Eternel ne reconnaissait pas sa compétence, mais qu’en fin de compte, par égard pour cette femme il acceptait que l’enfant vive.

On pourrait s’arrêter là, la suite se passe de commentaire. Ce n’est pas parce qu’un homme est célèbre et dont la foi est reconnue que les actes qu’il faits sont le reflet de la volonté de Dieu. Les historiens de la Réforme n’ont pas manqué de souligner les faiblesses des Réformateurs et nous  invitent à en tenir compte. Ici le Livre des Rois nous invite à voir avec sagesse comment, même un prophète prestigieux peut se fourvoyer quand il fait l’économie de la foi dans l’exercice de son ministère. La foi, c’est cette sagesse qui nous vient de Dieu quand on sait avec modestie le mettre au centre de nos préoccupations.

Dans les moments de sécheresse spirituelle, quand on a l’impression que le monde se détourne de Dieu, ce n’est pas l’évocation glorieuse du passé qui redonne du lustre à l’Eglise, c’est l’humble fidélité de chacun de ses membres à l’écoute de la parole par laquelle l’Eglise comprendra quelle est la volonté de Dieu dans ce temps précis où nous vivons.

mercredi 14 juin 2017

Jérémie 0:12-13 Peut-on se plaindre du silence de Dieu ? - dimanche 25 juin 2017



Jérémie, 20 :10-13
  • Chapitre 20
1Pashhour, fils d'Immer, le prêtre, inspecteur en chef de la maison du SEIGNEUR, entendit Jérémie prononcer ces paroles en prophète.
2Pashhour frappa Jérémie, le prophète, et le mit aux entraves à la porte Haute de Benjamin, dans la maison du SEIGNEUR.
3Le lendemain, Pashhour fit sortir Jérémie des entraves. Alors Jérémie lui dit : Ce n'est pas du nom de Pashhour que le SEIGNEUR t'a appelé, mais du nom de Magor-Missabib (« Effroi de tous côtés ») .
4 Car ainsi parle le SEIGNEUR : Je te livre à l'effroi, toi et tous tes amis ; ils tomberont par l'épée de leurs ennemis, et tes yeux le verront. Je livrerai aussi tout Juda au roi de Babylone, qui les exilera à Babylone et les tuera d'un coup d'épée.
5 Je livrerai toutes les réserves de cette ville, tout le produit de son travail, tout ce qu'elle a de précieux, je livrerai tous les trésors des rois de Juda à leurs ennemis, qui en feront leur butin ; ils les prendront et les emporteront à Babylone.
6 Quant à toi, Pashhour, et à tous ceux qui habitent dans ta maison, vous irez en captivité ; tu iras à Babylone : c'est là que tu mourras, c'est là que tu seras enseveli, toi et tous tes amis pour lesquels tu as parlé en prophète par le mensonge.
7 Tu m'as dupé, SEIGNEUR, et je me suis laissé duper ; tu m'as saisi, et tu l'as emporté. Je suis sans cesse en butte à la dérision, tout le monde se moque de moi.
8 Car toutes les fois que je parle, je crie, je proclame : « Violence et ravage ! »La parole du SEIGNEUR m'expose sans cesse aux outrages et aux railleries.
9 Si je dis : « Je ne l'évoquerai plus, je ne parlerai plus en son nom », c'est dans mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os ; je me fatigue à le contenir, et je n'y parviens pas.
10 Car j'apprends les mauvais propos d'une multitude : Effroi de tous côtés ! Annoncez ! Annonçons-le ! — Tous mes amis m'observent pour voir si je vais chanceler : Peut-être se laissera-t-il duper, et nous l'emporterons sur lui, nous nous vengerons de lui !
11 Mais le SEIGNEUR est avec moi comme un héros brutal ; c'est pourquoi mes persécuteurs trébucheront et ne l'emporteront pas. Ils auront bien honte de n'avoir pas réussi : ce sera une confusion pour toujours ; on ne l'oubliera pas.
12  Le SEIGNEUR (YHWH) des Armées sonde le juste, il voit les reins et les cœurs. Que je voie ta vengeance contre eux, car c'est à toi que j'ai confié ma cause !
13  Chantez pour le SEIGNEUR, louez le SEIGNEUR ! Car il délivre le pauvre de la main des mauvais.
14 Maudit soit le jour où je suis né ! Le jour où ma mère m'a mis au monde, qu'il ne soit pas béni !
15 Maudit soit celui qui porta à mon père la bonne nouvelle : « Un fils, un mâle, est né de toi ! » et qui le combla de joie !
16Que celui-là soit comme les villes que le SEIGNEUR a détruites sans regret ! Qu'il entende des cris dès le matin, et des acclamations guerrières à l'heure de midi !
17Que ne m'a-t-il fait mourir depuis le ventre de ma mère ? Ma mère aurait été ma tombe et sa grossesse n'aurait jamais atteint son terme.
18Pourquoi suis-je sorti du ventre de ma mère si je dois voir l'oppression et la douleur et achever mes jours dans la honte ?

Nombreux sont les croyants, qui, par dévotion n’osent  pas poser à Dieu les questions qui les tourmentent et qui perturbent leur évolution spirituelle. Ils gardent en eux des questions rentrées  pour   lesquelles ils bricolent des réponses qui dénaturent leur perception de la réalité de Dieu. Ces questions nous sont posées ici par Jérémie lui-même dans le chapitre 20 de son livre dont il ne faut pas prendre que l’extrait qui nous est proposé. Il  y pose  les questions sans réponse qui hantent sa vie et qui parfois perturbent la nôtre. Il ne  sait pas leur donner  de vraies réponses. «Seigneur, tu m’as  séduit et je me suis laissé séduire » dit-il au verset 7, ou «  maudit soit le jour de ma naissance » (verset 14) En réponse à ces questions, il n’obtient que le silence de Dieu. Patiemment  il faudra attendre que Jésus s’empare du problème pour obtenir une réponse qui ait du sens et que nous essayerons de  découvrir au cours de ce propos.


En fait que  reproche-t-il  à Dieu ? Il lui reproche  d’envoyer ses fidèles au combat et de ne pas leur apporter secours quand ils sont menacés.  Jérémie s’est mis au service de Dieu et quand il subit des vexations à cause de lui, il ne reçoit même pas l’assurance d’être dans le vrai. Il se sent oublié,  même  quand il  est  jeté à terre  et réduit  à l’agonie.  La question que nous nous posons alors avec lui est de savoir qui est ce Dieu qui semble se complaire à voir les siens tourmentés sans leur porter secours ? Bien évidemment, Job s’était posé les mêmes questions. Et se vit imposer le silence  pour toute réponse, quand sa femme le poussa à la révolte et que ses amis le soupçonnaient d’avoir déplu à Dieu sans s’en rendre compte.

Le soupçon ! Voilà le mauvais confident de celui qui ne comprend pas et qui croit que dans son malheur Dieu lui fait des reproches. Pourtant, quand il fait   le bilan de sa vie il ne trouve pas de cause profonde qui justifieraient l’abandon de Dieu. Il pense alors que si ce n’est pas lui qui est responsable de la situation, « c’est donc son frère », comme l’agneau de la fable face au loup ou «  que les Pères ont mangé des raisins verts et ce sont  les enfants qui ont eu les dents agacés », comme le dit le dicton biblique (Jérémie 31/29).  Ceux dont la foi est plus éprouvée écartent toutes ces excuses et se réfugient dans la « toute-puissance de Dieu » qui fait les choses comme il l’entend et ne rend compte à personne. Mais est-ce conforme  au Dieu de la révélation ?

Intérieurement,  le  croyant qui  arrive à une telle abnégation devant ce qu’il ne comprend pas n’éprouve-t-il pas l’impression d’une profonde injustice ? Certes, on peut  subir avec sérénité l’arbitraire  divin, mais peut-on aimer, comme il nous le demande ce Dieu qui exerce à notre égard, une autre attitude que celle qui nous invite à l’aimer ?

En effet, si  malgré tout, nous arrivons à aimer un Dieu que nous soupçonnerions d’injustice et dont nous subirions les décisions arbitraires  sans les   comprendre, c’est que nous aurions nous-mêmes un comportement incompréhensible, car il serait anormal d’aimer celui qui nous enfonce dans la détresse. Il  serait plus noble et plus digne de notre part de se révolter contre lui plutôt que de se réfugier dans une résignation aimante.

Encore faut-il bien préciser de quel amour on parle, car notre langue se sert de ce  mot comme d’un fourre-tout où on met tout et son contraire. Bien évidemment, il nous faut écarter l’amour physique et il nous faudra retenir que ce qui est de l’ordre du sentiment. Dieu n’ayant pas de membres pour agir, car il n’a ni bras, ni mains,  ne peut agir que par le sentiment qu’il nous inspire et qu’il projette sur nous. C’est parce que nous nous sentons aimés, que nous aimons à notre tour. Dans les situations où notre vie est menacée, c’est par l’affection que nous ressentons de la part  de Dieu que nous éprouvons les effets de son amour. Il met alors en nous assez d’espérance pour que nous recevions de lui le dynamisme suffisant pour nous permettre de réagir face à l’preuve. C’est donc dans cette relation étroite qu’il y a entre son esprit et notre esprit que l’amour agit et se manifeste.

Ce raisonnement nous effleure rarement. En fait, quand nous reprochons à Dieu de ne pas agir quand ses adorateurs sont en difficulté, c’est à un autre Dieu  que  nous  nous adressons.  Si Dieu se  rendait efficace dans les épreuves qui troublent les hommes, comme nous le souhaitons et s’il  sauvait  systématiquement ceux qui prétendent l’aimer, nous aurions  à faire  à un Dieu injuste. En effet, il agirait efficacement en faveur de ceux qui apparemment le mériteraient d’une façon ou d’une autre. L’espérance ne serait accordée qu’à ceux  qui  l’aimeraient  d’une manière conforme à ses désirs.  C’est donc la soumission à Dieu  qui  justifierait son intervention en leur faveur. Une telle attitude serait en désaccord avec la notion d’amour telle que nous la  concevons de la part de Dieu.

 Or Dieu ne se révèle pas à nous comme un Dieu   qui cherche à prouver son existence  par la manière dont il récompense ceux qui se soumettent à lui.  Il  ne le fait pas par les actions qu’il opèrerait sur les hommes qui lui sont favorables.  Dieu ne se démontre pas, c’est seulement par le lien d’amour qui s’établit entre lui et nous  que nous le connaissons.

Job nous raconte d’une manière imagée que Dieu n’agit pas directement contre  le Satan, ou contre le hasard ou le diable,  quel que soit le nom que l’on veut bien lui donner. Il ne l’affronte pas dans un combat singulier comme s’ils étaient deux puissances qui s’opposent.   Mais Dieu ne se détourne pas de Job pour autant.

Le cas de Jérémie est cependant un cas intéressant et nous aide à nous situer face à nos propres incompréhensions  au sujet de Dieu.  Jérémie  mobilise toute son énergie en faveur de Dieu et il n’en retire aucune satisfaction. Mais si Dieu intervenait et lui donnait raison ce Dieu  serait en fait un autre Dieu que celui auquel il rendrait témoignage. Ce serait un Dieu manipulateur, interventionniste, injuste, indigne de l’amour qu’il lui porte, car Dieu ne se démontre pas par des actions qui le valorisent.  Il serait justement le Dieu que Jérémie conteste et que ses contemporains souhaiteraient voir à l’action. Le Dieu que prêche Jérémie, c’est le Dieu qui n’intervient que par amour au moyen duquel il transforme les hommes afin que ceux-ci transforment le monde.


C’est à ce même Dieu que Jésus a consacré sa vie, et c’est toujours ce même Dieu qui nous propose de l’aimer et d’aimer les hommes afin que le monde aille mieux, même si ça ne se voit pas et que nos actions ne reçoivent aucune récompense. Mais est-ce ce Dieu là que veut le monde ? Ne nous étonnons si le monde le rejette et rejette ses témoins, car c’est la conversion à ce Dieu là que nous prêchons  et si nous nous révoltons contre  les injustices qui le cachent, c’est en sa faveur que nous nous révoltons pour mieux rentre l’autre Dieu inopérant  sur nous et sur les autres. Quand nous nous révoltons contre Dieu à cause de ce que nous croyons injuste, c’est  en faveur du Dieu de Jésus Christ que nous agissons et que nous rendons témoignage, c’est alors que le monde changera !

 Illustrations: Jérémie illustré par Chagall


mardi 6 juin 2017

Deutéronome 8/1-16 - ne pas oublier Dieu - dimanche 18 juin 2017



Deutéronome 8/1-16


1Tout le commandement que j'institue pour toi aujourd'hui, vous veillerez à le mettre en pratique, afin que vous viviez, que vous vous multipliiez et que vous entriez en possession du pays que le SEIGNEUR a promis par serment à vos pères.
2Tu te souviendras de tout le chemin que le SEIGNEUR, ton Dieu, t'a fait parcourir pendant ces quarante années dans le désert, afin de t'affliger et de te mettre à l'épreuve, pour savoir ce qu'il y avait dans ton cœur, pour voir si tu observerais ou non ses commandements.
3Il t'a donc affligé, il t'a fait souffrir de la faim et il t'a nourri de la manne que tu ne connaissais pas et que tes pères n'avaient pas connue, afin de t'apprendre que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais que l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche du SEIGNEUR.
4Ton manteau ne s'est pas usé sur toi et tes pieds n'ont pas enflé pendant ces quarante années.
5Sache donc bien que le SEIGNEUR, ton Dieu, t'instruit comme un homme instruit son fils.
6Tu observeras les commandements du SEIGNEUR, ton Dieu, en suivant ses voies et en le craignant.
Les tentations dans le pays promis
7Car le SEIGNEUR, ton Dieu, te fait entrer dans un bon pays, un pays de cours d'eau, de sources et d'abîmes qui jaillissent dans les vallées et dans les montagnes ;
8un pays de froment, d'orge, de vignes, de figuiers et de grenadiers ; un pays d'huile d'olive et de miel ;
9un pays où tu mangeras sans avoir à te rationner, où tu ne manqueras de rien ; un pays où les pierres sont du fer, et où tu extrairas le cuivre des montagnes.
10Lorsque tu mangeras et que tu seras rassasié, tu béniras le SEIGNEUR, ton Dieu, pour le bon pays qu'il t'a donné.
11Garde-toi d'oublier le SEIGNEUR, ton Dieu, de ne pas observer ses commandements, ses règles et ses prescriptions, tels que je les institue pour toi aujourd'hui.
12Lorsque tu mangeras et que tu seras rassasié, lorsque tu bâtiras et habiteras de belles maisons,
13lorsque ton gros bétail et ton petit bétail se multiplieront, que l'argent et l'or se multiplieront pour toi et que tout ce qui t'appartient se multipliera,
14prends garde, de peur que ton cœur ne s'élève et que tu n'oublies le SEIGNEUR, ton Dieu, qui te fait sortir de Égypte, de la maison des esclaves.
15Il t'a fait marcher dans ce désert grand et redoutable, pays des serpents brûlants, des scorpions et de la soif, où il n'y a pas d'eau ; il a fait jaillir pour toi de l'eau du rocher de granit,
16il t'a fait manger dans le désert la manne que tes pères ne connaissaient pas, afin de t'affliger et de te mettre à l'épreuve, pour te faire du bien par la suite.

Compte les bienfaits de Dieu ! … Tous connaissent ce cantique qui fait partie de notre recueil habituel  et que l’on utilise volontiers dans nos célébrations dominicales.  Mais qui le met en pratique ? Qui se donne la peine de faire le point sur ce qui caractérise la présence heureuse de Dieu dans ce monde? A part ceux  qui vivent  en contact direct avec Dieu  à tous les instants de leur vie et qui  s’émerveillent à sans discontinuer des prodiges de sa présence,  bien peu,  une fois ce cantique pieusement chanté ne songent à lui donner suite. Ainsi les éléments qui font le fondement de notre culte ne se répercutent  que rarement  dans notre vie quotidienne,  une fois franchises les portes du sanctuaire.


Dans les campagnes de jadis, les  crucifix aux carrefours  des routes rappelaient aux croyants la présence de Dieu et  provoquaient  parfois en eux  une pensée à son intention. La sonnerie des cloches au moment de l’angélus les invitait à une action de grâce pour la journée écoulée.  Mais si l’angélus sonne encore, les bruits de la vie moderne  couvrent la voix  des cloches et nous ne percevons plus leur invitation. Jadis,  et dans un passé encore récent, il y avait des monuments construits par les hommes  qui leur  rappelaient  la présence de Dieu.  Mais ces signes, quand ils existent encore,  à moins d’intéresser les touristes à cause de leur valeur artistique ou historique n’attirent plus notre attention  car la vitesse à laquelle nous les dépassons les soustrait à notre  attention.

Hors de nos Eglises, les signes nous rappelant l’existence de Dieu ne frappent plus notre attention.  Nous nous sentons excusables de ne pas les  voir quand ils existent  et de ne pas leur accorder trop d’attention, laïcité oblige !

Quand la question de Dieu se pose à nous, c’est que nous prenons l’initiative de nous la poser parce qu’un événement nous interpelle à son sujet et surtout parce que l’attitude des autres nous interpelle parce que nous la trouvons trop provocante.  Inutile de rappeler que les attentats meurtriers dont nos peuples sont victimes nous interrogent sur Dieu  et produisent en nous  l’indignation plus que la louange.   Nous restons discrets sur  la question et  nous gardons  nos opinions pour nous.

Ces événements qui mettent Dieu au premier plan de l’actualité nous provoquent d’une manière insupportable et n’ont plus rien à voir avec ces signes  qui rappelaient aux croyants de jadis la réalité quotidienne de Dieu.

Si le contexte de la vie a changé notre approche quotidienne de la présence de Dieu,  bien peu parmi-nous ne s’interrogent sur les signes qui  provoquent notre foi et  nous invitent à l’émerveillement parce que nous avons perdu l’habitude de repérer Dieu dans les mouvements de la nature. La science  a considérablement changé notre manière de voir les choses. Nous savons bien, maintenant que  la prière ou les processions ne servent à rien pour changer le temps et améliorer les récoltes, d’autant plus  que plus de 90 pour cent de nos concitoyens, vivent  à l’écart du monde agricole et ne s’occupent pas de la météo  pour savoir si la sècheresse ravagera leurs récoltes, ils s’intéressent à elle pour savoir comment ils organiseront leurs vacances.

Nous savons aussi que les peuples sont dirigés par des autorités civiles qui s’appuient sur ces critères économiques,  valables ou pas,  pour les diriger  et que Dieu n’influe pas sur leurs décisions, même si certains d’entre eux le croient.

Mais n’allons-nous pas un peu trop vite en besogne en éliminant Dieu aussi vite de nos pensées quotidiennes ?   La seule évocation du nom de Dieu ne réveille-t-elle pas en nous, le souvenir de quelques recommandations venues de son enseignement, qui faute  d’avoir été respectées ont entraîné des catastrophes.  On a méprisé la nature, tant aimée de Dieu et elle en pâtit. Certaines attitudes politiques qui méprisent la valeur du  « de prochain » que Dieu reconnait à tous les hommes, n’ont-elles pas eu des effets catastrophiques sur certaines catégories de population ? Faute d’avoir oublié des préceptes  que la tradition nous a transmis au nom de Dieu, nous avons compromis l’harmonie du monde et de ses peuples.

Nous en sommes là aujourd’hui, et le texte que nous avons lu tout à l’heure dans le livre du Deutéronome nous met en garde contre le danger qu’il y a d’exclure Dieu de nos pensées et de ne pas régler notre existence sur des consignes que la tradition fait remonter jusqu’à lui. C’est en tout cas ce que les anciens qui ont produit ce texte ont  compris de leur propre histoire et c’est ce qu’ils ont essayé de nous transmettre.

Quand, à leur retour d’exil, quelques 450 ans avant Jésus Christ,  les Hébreux mirent par écrit les textes qui allaient composer les différents éléments de la Bible, ils ont bien insisté sur l’importance qu’il y avait de ne pas oublier que Dieu se proposait de participer à notre vie et qu’il y avait des enseignements à recevoir de sa part, même dans nos échecs.

Le passage qui  suscite notre méditation de ce jour nous met en garde contre la  nécessité de ne pas oublier Dieu. Il ne nous livre pas un long discours ni sur sa nature divine ni sur sa manière de se rendre présent à notre esprit, mais il nous met en garde contre les conséquences fâcheuses qu’il y aurait dans notre vie si nous en excluions Dieu et que nous nous comportions  comme s’il n’avait pas existé par le passé et qu’il n’avait pas  de part,  dans notre présent. En effet,  quiconque oublie le Dieu qui est sensé mettre de l’harmonie dans nos vies, court le risque de se tourner vers d’autres  formes de divinité, telles, l’égoïsme, le culte du moi, l’exploitation des autres…ce qui nous conduirait inévitablement à la mort de notre humanité.


Pas besoin de théologie bien élaborée, pas besoin même de formuler  sa foi en Dieu d’une manière claire, pour savoir que  celui qui  ne respecte pas ce qui ce qui caractérise Dieu, court à  sa perte, car la seule raison qu’il a de partager notre vie c’est de lui donner du sens. Il n’est pas besoin  de formuler une confession de foi élaborée pour qu’il guide nos pas. Mais faute de pouvoir en  dire  plus à son sujet et  pour être sûrs  cependant de ne pas s’égarer loin de lui, il nous suffit de l’imaginer sous les traits du Père, tels que Jésus Christ les lui a donnés. Cela  suffira pour qu’on se souvienne de  l’intérêt  qu’il porte aux hommes.  Si nous voulons donc que notre vie se déroule le mieux possible, nous devons prendre garde à ne pas négliger la présence de Dieu dans notre vie quotidienne. C’est pour  cela que  ce texte du Deutéronome nous supplie de ne jamais  oublier Dieu, pas même une journée.