mercredi 7 mars 2018

Jean :20-33 La foi agit en nous à partir de ce qui est invisible - dimanche 18 mars




Ce sermon vous a déjà été proposé  pour le 15 mars 2012. J’y ai apporté quelques légères  corrections.
20 Il y avait quelques Grecs parmi les gens qui étaient montés pour adorer pendant la fête. 21 S‘étant approchés de Philippe, qui était de Bethsaïda, en Galilée, ils lui demandaient : Seigneur, nous voudrions voir Jésus. 22Philippe vient le dire à André ; André et Philippe viennent le dire à Jésus.
23 Jésus leur répond : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. 24 Amen, amen, je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. 25 Celui qui tient à sa vie la perd, et celui qui déteste sa vie dans ce monde la gardera pour la vie éternelle. 26 Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive, et là où moi, je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un veut me servir, c’est le Père qui l’honorera.
Jésus parle de sa mort
27 Maintenant je suis troublé. Et que dirai-je ? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c’est pour cela que je suis venu en cette heure. 28 Père, glorifie ton nom ! Une voix vint donc du ciel : Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. 29 La foule qui se tenait là et qui avait entendu disait que c’était le tonnerre. D’autres disaient : Un ange lui a parlé. 30 Jésus reprit : Ce n’est pas à cause de moi que cette voix s’est fait entendre, mais à cause de vous. 31 C’est maintenant le jugement de ce monde ; c’est maintenant que le prince de ce monde sera chassé dehors. 32 Et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi. 33 Il disait cela pour signifier de quelle mort il allait mourir.

 Il y a un art de voir qui ne relève pas du bon  fonctionnement de nos yeux mais qui relève de ce qui est perceptible par notre âme. Il y a une faculté de sentir les choses qui ne relève pas de nos sens mais d’une perception intérieure de tout notre être qui nous met en contact avec des réalités que nous ne soupçonnons pas. La réalité de Dieu s’impose à nous sans qu’il soit nécessaire de voir quoi que ce soit ou d’entendre quelque chose. Les certitudes qui nous habitent ne viennent pas de ce que nous voyons, mais de ce que nous croyons.
Les mystères de l’âme humaine n’ont pas encore vraiment été explorés, car ils ne relèvent d’aucune investigation scientifique. Ils relèvent de l’expérience que chacun fait avec Dieu. Il ne faut pas entendre par le mot âme un principe surnaturel et éternel qui serait la partie noble de notre être en opposition à tout ce qui est matériel et sensible. Il faut comprendre par cette expression tout ce qui relève de notre vie intérieure et qui reste inaccessible aux techniques d’investigation des hommes.
Celui qui cherche Dieu pense souvent qu’il pourra le rencontrer au moyen de ses sens. Il se tient en alerte pour écouter afin d’entendre. Il lit les théologiens ou les philosophes et espère en s’appropriant leurs expériences trouver un contact avec le sacré. Il s’imprègne de musique à laquelle il se croit sensible et croit alors qu’il entendra peut être Dieu dans le jeu sublime des instruments et des interprètes. Il contemple le soleil qui se couche sur l’océan et croit comprendre par ce spectacle tout le mystère de la création et de la grandeur de Dieu ! En fait, il n’en est rien, cela ne relève que des techniques que l’expérience humaine a déjà éprouvées depuis longtemps. Elles nous prédisposent sans doute à une ouverture à Dieu, mais elles ne nous révèlent pas Dieu.
Un tel comportement rejoint celui de ces grecs qui dans notre passage veulent voir Jésus et que Jésus laissent sans réponse. Ils espèrent en le voyant se rapprocher de Dieu et Jésus les détourne de ce projet. Il ne se montre pas à eux car le fait de voir ou de ne pas voir n’éclairera en rien leur demande de foi. Sans doute font-ils une démarche louable, et ils s’y prennent bien. Ils s’adressent à Philippe, puis à André dont les noms révèlent qu’ils sont eux aussi, sans doute d’origine grecque. Ils viennent de Bethsaïda, de l’autre côté du lac qui est perçu comme une terre païenne. Ils considèrent que les deux disciples grecs sont les plus qualifiés pour les introduire en présence du Seigneur, mais Jésus ne permet pas à la démarche d’aboutir et nous restons, comme eux sur notre faim.
Les gens qui cherchent à développer leur spiritualité croient bien souvent qu’en essayant de voir, ils parviendront à croire. « Montre-nous le Père » dira un peu plus loin Thomas et Jésus le renverra à sa vie intérieure : « Il y a si longtemps que je suis avec vous et tu n’as toujours pas compris ! » Ni Thomas, ni nous-mêmes n’avons compris que nos sens nous trahissent et nous entraînent à croire ce qui n’a pas lieu d’être. La foi n’est pas de l’ordre de ce qui se voit.
Jésus fait dire à ces grecs qui cherchent à le voir, que si ils veulent comprendre quelque chose à son message, c’est dans ce qui ne se voit pas qu’ils le trouveront, car c’est dans la mort de Jésus que se tient tout le mystère de la vie en Dieu. Ce mystère oriente nos regards vers l’événement de Pâques qui contient en lui tout ce qu’il nous faut savoir pour comprendre Dieu.
Le récit de l’événement de Pâques occupe plus du quart de chaque évangile. Il s’achève sur  un non-événement, car la résurrection est un événement qui ne se voit pas. C’est un non-événement puisque le récit est présenté comme s’il n’avait pas eu lieu. Les gardes dormaient devant le tombeau et ne s’aperçurent de rien, les disciples qui se terraient dans leurs maisons n’étaient pas là, les femmes affairées dès le petit matin arrivèrent trop tard et ne découvrirent que le tombeau vide. Ce vide n’est pas le vide du néant sans quoi on aurait trouvé un corps pour attester qu’il était bien mort. L’absence du corps se constate, mais ne se voit pas, elle est beaucoup plus troublante que sa présence. S’il y a quelque chose à comprendre, ce n’est pas dans ce qu’il y a à voir que cela se situe, puisqu’il n’y a rien à voir.
Mais Ils ont bien vu le ressuscité par la suite ! Sans doute.  Mais dans un premier temps, quand ils l’ont vu ils n’ont pas cru que c’était lui. Marie Madeleine l’a pris pour le jardinier et les disciples d’Emmaüs ne réalisèrent que c’était lui qu’après son départ quand ils ne le voyaient plus. Bien sûr, plus tard, ils le verront tous, à l’exception de Thomas, mais ce sera trop tard car la réalité de la résurrection s’était déjà imposée à eux dans le non-événement qui constitue l’épisode du tombeau vide, car la résurrection elle aussi ne se voit pas. C’est à cause de cela que les peintres n’ont jamais pu en rendre vraiment compte.
Même une réalité aussi nécessaire à notre foi que la résurrection ne parvient pas à nous par les sens. Cette réalité parvient à nous par des itinéraires intérieurs qui nous bousculent. L’individu que nous sommes n’entre pas dans le mystère de Dieu par des moyens humains, c’est Dieu qui vient vers lui par des itinéraires divins. Cela n’est pas réservé à quelques initiés, cela est le fait de tout un chacun. Dieu se rend disponible à tous. Mais nous ne pourrons pas comprendre Dieu si nous occultons les manifestations de son esprit par toutes sortes d’artifices humains qui au lieu de le révéler risquent de lui barrer le chemin.
Nous devons prendre en compte qu’il existe en nous une autre dimension de l’individu qui n’est pas faite de chair et de sang mais qui est faite d’esprit et de sentiments, et c’est là que Dieu se plaît à venir habiter. C’est au niveau de ce qui est insaisissable en nous que Dieu révèle à chacun le mystère d’une vie qui nous dépasse et qui reste insaisissable par les sens. Cette vie dépasse ce qui est matériel et nous révèle qu’au delà de l’être physique que nous sommes il y a une réalité profonde que beaucoup ne soupçonnent même pas mais à qui Dieu confère une valeur d’éternité.
Jadis, dans une société aujourd’hui révolue, on disait de celui dont la vie intérieure était perceptible à l’extérieur qu’il était une belle âme. Cette réalité ne se voit pas mais elle se perçoit. Il en va de même pour la réalité de Dieu, il ne se voit pas mais il se perçoit et cette perception s’impose à nous comme une conviction. Celui qui prétend chercher Dieu et qui se plaint de ne pas le trouver se trompe car en fait Dieu est déjà installé en lui depuis longtemps car  il n’attend pour se manifester que l’on se rende disponible.
Il attend que nous cessions de nous agiter et de tenter de faire des expériences spirituelles pour découvrir au fond de nous-mêmes ce Dieu qui est déjà au rendez-vous. C’est alors qu’il nous sera possible non pas de voir Dieu mais de le percevoir. Sa Parole, sans faire vibrer les ondes sonores deviendra clairement perceptible dans les Ecritures qui nous parlent de lui et où les propos de Jésus prennent du sens.

Cette Parole retentit en nous comme un encouragement à vivre avec intensité la vie présente puisque cette vie s’enrichit déjà de l’éternité. Pour en arriver là il faudra que chacun prenne sur lui de considérer que la vraie vie en Dieu n’est perceptible que pour ceux qui acceptent d’orienter leur méditation vers ce lieu de mort qu’est la croix et ce lieu de vide qu’est le tombeau. La vérité sur Dieu se fera alors manifeste au fond de nous pour nous révéler que la mort est dépassée par la vie qui repose déjà en nous et que Dieu concrétise en nous par la foi.

lundi 5 mars 2018

Jean 3/14-21 L'amour de Dieu pour le monde : dimanche 11 mars 2018



Jean 3 : 14 Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut, de même, que le Fils de l'homme soit élevé, 15 pour que quiconque croit ait en lui la vie éternelle.
16 Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, pour que quiconque met sa foi en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle.
17 Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que par lui le monde soit sauvé. 18 Celui qui met sa foi en lui n'est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas mis sa foi dans le nom du Fils unique de Dieu. 19 Et voici le jugement : la lumière est venue dans le monde, et les humains ont aimé les ténèbres plus que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. 20 Car quiconque pratique le mal déteste la lumière ; celui-là ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dévoilées ; 21 mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu'il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en Dieu

Ce verset de Jean 3/16 fait partie des premiers versets qu’on apprenait par cœur dans mon enfance à l’École du Dimanche. C’est dire que tous ceux de ma génération le gardent en mémoire dans leurs souvenirs de jeunesse.  Pourtant, ce  sermon risque de vous surprendre. J’ai  déjà écrit un sermon à propos de ce texte, mais j’ai voulu le reprendre et le réécrire.  Je le propose  à votre réflexion afin de vous aider à vous situer dans le courant des rivalités entre créationnisme et évolutionnisme.

Pour peu que l’on fasse une pause de quelques instants pour contempler ce monde dans lequel nous vivons, nous finirons bien vite par découvrir qu’il est surprenant. Il est surprenant par sa beauté et par sa variété, il est surprenant par sa complexité aussi. Pour s’en rendre compte, il suffit de songer au nombre des espèces qui cohabitent sur notre terre ? Il est fantastique. Le monde de l’infiniment petit est aussi stupéfiant que le monde de l’infiniment grand. Le microscope le plus sophistiqué n’arrive pas à rendre compte des structures les plus secrètes de la matière. Le télescope le plus puissant ne parvient pas non plus à atteindre les limites des galaxies. Que l’on s’émerveille ou que l’on s’en étonne, on aura cependant du mal à répondre à la question : à quoi tout cela sert-il ?

Si cela est le fruit du hasard, on ne peut  qu’ en être  stupéfait. S’il y a un créateur à l’origine de tout cela on peut se demander quel intérêt il y trouve. Depuis toujours les êtres humains retournent ces questions sans vraiment trouver de réponse satisfaisante. Chose curieuse cependant, l’être humain est le seul, dans notre galaxie à pouvoir se poser de telles questions. Cette simple remarque change-t-elle quelque chose au problème ?

L’univers serait absurde, s’il n’y avait personne pour prendre conscience de sa réalité. Mais une fois ce constat établi, peut-on aller plus loin ? Le monde est-il soumis au hasard d’une évolution complexe ou y a-t-il un être supérieur qui oriente son devenir ? L’harmonie de tout cet ensemble pourrait bien être alors liée au mélange des deux. L’observateur rationnel ne peut aller plus loin dans son constat. Mais sa pensée, toujours en mouvement le pousse alors à formuler des théories plus ou moins élaborées pour aller plus loin.

Pourtant, les lois de l’évolution le poussent à constater que le monde semble évoluer en s’appuyant sur le principe  selon lequel   la raison du plus fort est toujours la meilleure.  Il ne faut pas être fin clerc pour constater  que c’est généralement le dominant qui a raison du plus faible. Force est pour l’homme de réaliser qu’il utilise ce concept  dans nombre de ses comportements, mais il  réalise aussi qu’il est souvent  habité par un sentiment contraire.

Il a beau être faible et démuni, il a quand même réussi à prendre l’ascendant sur tout ce qui se meut sur terre.  Plus mystérieux encore, il réalise qu’il  est  entraîné par une force mystérieuse à s’intéresser à ses semblables et, chose encore plus étrange, à prendre partie pour ce qui est faible et à protéger ce qui est vulnérable. Il a vite fait de constater que ce sentiment qu’on peut appeler l’amour et qui préside  généralement aux règles de la reproduction va plus loin encore. Il ne s’attache pas seulement  aux autres pour donner libre cours à nos pulsions sexuelles, mais ce sentiment chez de nombreux individus va plus loin encore. Là est peut être la clé de l’énigme.

Comment peut-on éprouver de l’intérêt pour les autres, si ce n’est pour assouvir ses instincts? Si ce sentiment n’est pas naturel, il  vient forcément d’ailleurs. C’est en creusant ce mystère que les hommes découvrent  qu’il  existe une réalité, au-delà d’eux-mêmes qui ne se confond pas avec le monde, puisqu’elle leur inspire des sentiments contraires aux règles de la survie des espèces. Il y a donc antagonisme entre cette réalité qu’ils découvrent peu à peu et les lois qui semblent présider à l’évolution du monde.

Dieu, car il faut bien l’appeler ainsi, ne se confond pas avec le monde, puisqu’il s’oppose à lui et semble vouloir le faire évoluer dans une direction qui ne lui serait pas naturel.

Depuis que les hommes ont développé leur capacité de penser, ils ont en même temps découvert qu’ils étaient confrontés à un sentiment qui ne leur était pas naturel. Ce sentiment  les pousse même à agir parfois dans une direction qui ne sert pas leurs propres intérêts mais les intérêts des autres. C’est à partir de ce constat que certains ont compris que leur présence donnait du sens à ce monde. Ils se sont alors demandé s’ils n’étaient pas des instruments que celui que nous appelons Dieu utiliserait  pour permettre une évolution  à ce monde  qui irait dans un sens qui ne serait pas prévu à l’origine.  Ne serait-ce pas par ce moyen  que Dieu manifesterait  son pouvoir créateur ?  Il donnerait ainsi un sens nouveau au monde grâce à ce sentiment  qui ne se manifesterait que chez l’homme  en vertu duquel il   aurait reçu vocation de modifier les règles naturelles de l’évolution. Arrivés à ce constat, nous recevons de l’Evangile cette affirmation selon laquelle Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas mais reçoive la vie éternelle.

Il a fallu des siècles et des interventions multiples de Dieu dans le cœur des hommes, il a fallu beaucoup d’incompréhensions, des erreurs nombreuses, des échecs de toutes sortes pour que l’espèce humaine comprenne que la règle qui doit présider à l’évolution est liée au respect de la vie des autres. 

Aujourd’hui, a-t-on vraiment compris cela ? Un simple regard sur nos sociétés nous laisse comprendre qu’il y a encore un long chemin à faire, car une telle idée ne fait toujours pas partie du mode de pensée de la majorité des humains ni même de la majorité des chrétiens. La logique, si non la vertu, semble nous dire que c’est dans ce sens qu’il faut aller sous peine de la disparition de notre espèce. En effet,  si  l’espèce humaine venait à disparaître, il n’y aurait plus personne pour penser le monde ! 

A la lumière de ce constat, l’Évangile nous laisse entendre que Dieu prend un gros risque en proposant une évolution de l’humanité en contradiction avec les règles du monde. Il se jette dans cette aventure sans avoir prévu de plan de sauvegarde en cas d’échec. C’est ce que veut signifier Jésus quand il dit que Dieu a donné son fils unique. Cela veut dire que Dieu s’est  investi tout entier dans ce programme d’amour et qu’il n’ a pas  prévu de solution de rechange. En disant cela Jésus rend compte de la confiance  que Dieu fait aux hommes.
Dieu croit en l’homme au point de tout lui sacrifier, y compris l’avenir du monde. C’est à croire même, qu’en cas d’échec de l’humanité à réaliser une évolution harmonieuse, Dieu lui-même en pâtirait au point de ne plus exister et de laisser le monde subir sa destiné.  La fin de l’humanité signifierait du même coup la fin de Dieu, en tout cas tel que nous le connaissons, et par voie de conséquence ce serait vraiment la fin du monde.

Tout cela nous amène à nous situer d’une façon nouvelle par rapport à la théologie traditionnelle qui place en l’homme l’origine de tous les maux et qui fait du péché la rupture entre Dieu et l’humanité. Il a donc fallu à Jésus une audace considérable pour prendre à rebours la théologie traditionnelle de son temps et de lancer l’idée selon laquelle, Dieu ferait de l’homme son collaborateur pour donner du sens au monde. Selon cette approche, le péché ne serait plus ce qui entraînerait le monde à sa perte, le péché serait désormais ce qui empêche l’homme d’entrer dans le programme créateur dans lequel Dieu lui propose d’entrer. 

Dieu inscrit l’homme dans un projet de vie auquel il doit s’associer pour que le monde soit sauvé. La condition essentielle pour que ce projet aboutisse est liée à l’amour que les hommes sauront se manifester les uns pour les autres. Dieu a fait le pari fou de croire que ce projet pourra se réaliser. C’est en tout cas une manière de comprendre comment la Bible associe l’homme  à  son action créatrice.

vendredi 16 février 2018

Jean 2:13-25 Il parlait du temple de son corps - dimanche 4 mars 2018



Il parlait du Temple de son corps - dimanche 4 mars 2018

13 La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem. 14 Il trouva dans le temple les vendeurs de bovins, de moutons et de colombes, ainsi que les changeurs, assis. 15 Il fit un fouet de cordes et les chassa tous hors du temple, avec les moutons et les bovins ; il dispersa la monnaie des changeurs, renversa les tables 16et dit aux vendeurs de colombes : Enlevez tout cela d'ici ! Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce ! 17 Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit : La passion jalouse de ta maison me dévorera.

18 Les Juifs lui dirent : Quel signe nous montres-tu pour agir de la sorte ? 19 Jésus leur répondit : Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. 20 Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour construire ce sanctuaire, et toi, en trois jours, tu le relèveras ! 21 Mais le sanctuaire dont il parlait, lui, c'était son corps. 22 Quand donc il se fut réveillé d'entre les morts, ses disciples se souvinrent qu'il disait cela ; ils crurent l’Écriture et la parole que Jésus avait dite.

23 Pendant qu'il était à Jérusalem, à la fête de la Pâque, beaucoup mirent leur foi en son nom, à la vue des signes qu'il produisait, 24 mais Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu'il les connaissait tous 25 et parce qu'il n'avait pas besoin qu'on lui présente un témoignage sur l'homme : lui-même connaissait ce qui était dans l'homme. 


Encore un geste de la part de Jésus qui nous désoriente. On l'avait enfermé dans le cadre de la non-violence. Il s'en échappe. Il fait un geste de violence apparemment gratuit, même s'il ne s'en prend pas aux hommes, il s'en prend tout de même à leurs biens. Il prêchait dans le Temple et voilà qu'il dénie toute valeur à ce lieu. Pourtant, ce lieu, s'il avait subsisté serait sans doute aujourd'hui un des lieux les plus visités du monde.

Jésus en s'en prenant à un lieu de culte semble bien rigoriste! Ne savait-il pas que beaucoup de gens ont besoin de symboles et de réalités visibles pour construire leur spiritualité ? Nous sommes sensibles à tout ce qui est beau. Les belles liturgies qui séduisent nos sens favorisent notre élévation spirituelle. Nous pensons même qu’elles nous rapprochent du divin. Il en va de même pour les beaux monuments dont la valeur esthétique est aussi au service de l’édification de notre foi. D’un revers de main, ou plutôt d’un coup de fouet, Jésus pulvérise toutes ces vérités. Il les tient pour quantité négligeable. Il les considère même comme des éléments contraires à l’expression de la foi.

La grande question qui se dégage de tout cela c'est celle qui consiste à se demander pourquoi Jésus a commis le seul acte de violence de sa vie en s’en prenant au temple.


On a cherché à l’expliquer par l’aspect scandaleux que pouvait avoir le trafic de l’argent, mais ce trafic était rendu nécessaire par un souci de pureté, l’argent impur des Romains ne pouvait y avoir cours. On a pensé que les sacrifices avaient quelque chose de provoquant et de répugnant, mais cette pratique, bien ancrée dans les mœurs ne choque que nous, 20 siècles après. Le bâtiment du temple, avec sa majesté provocante aurait pu être à l’origine de sa contestation. Mais l’édification de ce bâtiment, considéré comme une merveille avait été construite avec le sang, les larmes et l’argent de tout un peuple. Jésus n’aurait certainement pas voulu  faire preuve d’indifférence à l’égard des sentiments de ses contemporains. Ce ne peut donc être à cause de tout cela que Jésus  voue  le temple à la ruine.

Il faut chercher plus loin encore. Nous sommes à l'approche de la fête de Pâques. Cette fête commémorait la libération du peuple juif jadis réduit en esclavage en Égypte. Les juifs perçoivent encore aujourd’hui, cette libération comme l'événement fondateur de leur peuple. Cette libération leur donne le sentiment d'exister. Chaque Israélite est invité à vivre cet événement d’une manière personnelle, comme s’il s’agissait de sa propre libération, comme si c'était une affaire personnelle entre Dieu et lui. On peut donc dire que c'est l'acte créateur par lequel Dieu a donné vie à son peuple, et par extension à chaque individu qui se réclame de lui.

Dès que l'on parle de création on pense immédiatement au tout premier chapitre de la Bible quand Dieu créa toute chose à partir du chaos initial et mit de l'ordre dans l'univers en désordre. C'est dans ce contexte spirituel et intellectuel qu'il faut situer la scène où Jésus bouscule le parvis du temple de Jérusalem et y met symboliquement le désordre.

Jésus restaure donc en quelque sorte le désordre primitif dans le lieu de la présence de Dieu pour que celui-ci puisse exercer à nouveau sa fonction de créateur. Ce geste signifie un retour aux origines, un retour au désordre, dans l'attente d'une nouvelle création. Jésus s’inscrit à la suite des prophètes qui depuis des générations se fatiguaient à dire au peuple élu que les fidèles ne se comportaient pas conformément à la volonté de Dieu. Jésus met le désordre dans le temple, ce lieu où les hommes avaient enfermé Dieu dans le Saint des saints afin de rendre à Dieu une nouvelle possibilité de recréer un peuple. A la différence des autres Évangiles qui situent cet événement à la fin de leur récit, celui de Jean, le situe au tout début du ministère de Jésus, comme un acte prophétique de la mission qu’il entendait accomplir

Jésus s'en prend au temple parce que les célébrations qui y avaient lieu semblaient être en contradiction avec la volonté de Dieu, non pas dans la manière dont elles se déroulaient puisqu'elles étaient conformes à l’Écriture mais dans l'esprit avec lequel les fidèles y accomplissaient leurs devoirs religieux. J'utilise à dessein l'expression "devoirs religieux", car Jésus reprochaient aux hommes de valoriser les rites religieux au détriment de la foi. Jésus ne méprisait pas pour autant le temple, mais il s'en prennait à la manière d'y favoriser les attitudes de piété par les cérémonies qui s’y déroulent.

Le Temple, c'est le lieu du rite, et le rite c'est ce qui codifie la relation avec Dieu. Or pour Jésus, la relation avec Dieu ne doit justement pas être codifiée, cette relation doit être faite de sentiments partagés. Elle vient du cœur et n'a rien à voir avec les obligations quelles qu'elles soient. Dieu ne veut pas entrer dans le système où les hommes cherchent à l'enfermer. Or les rites, sont des procédés d'enfermement. Dieu ne veut donc pas être lié par des rites qui lui imposeraient de "sauver" ceux qui l'approchent d'une manière conventionnelle et de "pardonner" ceux qui ont accompli les rites, sans forcément l'aimer.

Cette manière de se comporter n'est pas propre aux contemporains de Jésus, toutes les générations de croyants la connaissent, car les hommes ont tendance à considérer qu'il suffit de satisfaire à quelques obligations pour plaire à Dieu et qu'il suffit de faire quelques actes de piété pour être en règle avec sa conscience.

Si Jésus radicalise sa position il n'innove pas pour autant. Les prophètes avant lui avaient mené le même combat. " Je hais vos sacrifices" avait dit Esaïe et Jérémie affirmait que Dieu préférait la circoncision du cœur à celle de la chair. Ce qui pour Jésus est contraire à la volonté de Dieu, c'est que les hommes cherchent à acquérir une pureté formelle dont Dieu devrait s'accommoder. Dieu serait ainsi pris au piège de sa propre loi.

. Si Jésus bouscule tout et préconise un changement radical, ce n'est pas parce que Dieu a changé, ce n'est pas parce que le Dieu de l'ancien Testament serait différent de celui du nouveau, mais c'est pour que les hommes changent, car c'est chez les hommes que le changement doit se produire.

Pour que ce changement qu'il préconise puisse avoir lieu, il propose de détruire le Temple de pierre et de construire celui de son corps. Ce que Jésus, et les prophètes avant lui reprochaient aux fidèles c'est qu'ils se dispensaient de relations personnelles avec Dieu. Ils n'avaient pas compris que Dieu voulait être en relation avec chacun d'entre eux, comme il veut être en relation avec chacun de nous. La relation se fait à partir de sentiments dont le plus fort est l'amour par lequel Dieu établit une relation permanente avec nous.


Nous comprenons alors pourquoi Jésus va faire du pardon le grand thème de son enseignement. Il proclame que le pardon est acquis d'une manière permanente à tous ceux qui croient. En effet, c'est pour se décharger du sentiment de culpabilité qui les accable que les hommes ont recours à des rites religieux. Le rite c'est l'acte facile à faire pour être sûr, croit-on, d'obtenir son pardon.  Mais Dieu ne veut pas de marchandage. Il veut une relation d'intimité dans la vérité, c'est pourquoi il proclame par la bouche de Jésus l'abrogation de tous les rites liés à l'acquisition du pardon. Plus de sacrifices, pas de pénitence, gratuité totale du pardon et du salut.

Mais, dira-t-on, Jésus en supprimant les rites du Temple, ne les a-t-il pas remplacés par d'autres rites que nous appelons les sacrements: la Sainte Cène et le Baptême?

Non, nos sacrements n'ont qu'une seule raison d'être, celle de rendre plus forte notre relation à Dieu. Ce sont des gestes que nous accomplissons pour être encore plus fortement en communion avec Dieu et avec les hommes. C'est quand on les célèbre que la prophétie de notre texte prend tout son sens : "il parlait du temple de son corps." Amen

Les illustrations proviennent de la maquette de Alec Garrad , Américain de 78 ans qui a consacré trente années de sa vie pour la construire