Luc 7 :11-17 - Le fils de la veuve de Naïn- 5 juin 2016
11 Ensuite il se
rendit dans une ville appelée Naïn ; ses disciples et une grande foule
faisaient route avec lui. 12 Lorsqu'il
approcha de la porte de la ville, on portait en terre un mort, fils unique de
sa mère, qui était veuve ; et il y avait avec elle une importante foule de
la ville. 13 Le Seigneur
la vit ; il fut ému par elle et lui dit : Ne pleure pas ! 14 Il s'approcha et toucha le cercueil.
Ceux qui le portaient s'arrêtèrent. Il dit : Jeune homme, je te l'ordonne,
réveille-toi ! 15 Et
le mort s'assit et se mit à parler. Il le rendit à sa mère. 16 Tous furent saisis de crainte ; ils
glorifiaient Dieu et disaient : Un grand prophète s'est levé parmi nous,
et : Dieu est intervenu en faveur de son peuple. 17 Cette parole se répandit à son sujet
dans la Judée tout entière et dans tous les environs.
« Jetez
la mort hors les murs ! » Tous ces gens qui portent en terre hors de
la ville le corps d’un jeune homme qui vient de mourir semblent agir selon
cette consigne. Ils portent sa dépouille sur un brancard en une marche silencieuse
scandée sans doute par la mélopée des pleureuses qui font monter vers le ciel
le cri de leur révolte et de leur résignation. La mort ici ne marque pas la fin
d’une vie qui s’achève après de longues années de labeur au service de la
communauté villageoise, c’est l’interruption inadmissible d’une existence qui
est à peine commencée et qui n’a pas accompli sa fonction dans la société des
hommes.
Cette
mort sera aussi la mort sociale d’une autre vie, celle d’une mère veuve qui en perdant son fils unique perd son
dernier soutien dans la vie du village.
Elle est sans doute trop vieille pour retourner dans la maison de son père qui
doit être mort depuis longtemps, sans cela elle l’aurait sans doute déjà fait.
Elle est trop vieille pour se remarier, trop veille pour retrouver une place
dans la société de la famille que lui aurait donnée son fils dès qu’il se serait mis à
travailler. Au-delà des cris et gémissements des pleureuses, on entend comme une prière que personne ne
prononce mais qui monte vers Dieu pour lui dire qu’une telle situation est
insupportable et on lui reproche de n’avoir rien fait, sans le dire vraiment.
Le
cortège funèbre a franchi les portes de la ville. C’était là que jadis
se réglaient les grands événements de la vie sociale de la cité. La porte sépare la ville de
l’extérieure, elle est la limite entre le lieu protégé à l’intérieur de la
ville et la campagne où se tiennent tous les dangers. C’est là que rodent les étrangers, les bandits et les loups. C’est la place de la mort et c’est là qu’on
emmène le défunt. On dirait que les villageois, inconsciemment cherchent à se
protéger contre l’irrationnel de la mort qui n’a pas sa place dans le monde des
vivants. Ils manifestent ainsi leur ultime protestation contre la mort. Tout en
sachant qu’ils ne sont pas armés pour lutter contre elle.
Hors
de la cité, ce n’est pas la mort qui les attend, mais la vie, ils ne le savent pas encore. Le récit
succinct, habilement conçu par l' évangéliste Luc nous a présenté les choses d’une telle manière que le lecteur
aguerri de la Bible a reconnu d’autres histoires de même nature qui lui sont
familières. Il sait que dans ces collines de Galilée, au-delà de cette cité, du
côté de Sumène, le prophète Élisée rendit la vie à un enfant mort brutalement.
Ce prophète avait reproduit le même miracle que son maître le prophète Élie
avait accompli, un peu plus loin en terre païenne. Il avait rendu à la vie le
fils unique d’une pauvre veuve à Sarépta. Cet Évangile se situe donc à la suite de 2 miracles rapportés dans les Ecritures par le passé et que l’Évangile actualise en cet instant
Attentif
à la tradition des Ecritures, le lecteur
comprend alors, que ce n’est pas la mort qui attend la foule attristée hors de ce village,
mais c’est la vie. Avant même que Jésus intervienne, on a déjà compris
que Dieu va proposer une autre alternative à la situation de mort. Dieu va intervenir dans ce lieu-là même où les hommes
croient qu’elle n’a pas sa place. Mais y a-t-il une place où Dieu n’est pas ? Quand on croit que tout est fini et qu’aucun
homme ne peut plus rien, c’est à ce moment-là que se manifeste
discrètement la puissance de Dieu qui
nous maintient dans le domaine de la vie, quand la mort semble revendiquer la
place, mais il n’y a plus de place pour
la mort là où Dieu se tient.
C’est
à ce moment que Jésus intervient dans le récit
qui nous présente l’événement comme s’il était le fait du hasard. Nous
avons compris qu’il n’en était rien.
Jésus arrive toujours au temps opportun. Jésus entre en ville au moment
où sort le mort. Le groupe des
endeuillés silencieux va à la rencontre du groupe des amis de Jésus que l’on imagine devisant entre eux en
commentant ses discours tonifiants.
La
vie dont les discours de Jésus sont
porteurs a déjà marqué ce groupe de son empreinte. Nous nous attendons à ce
qu’elle passe d’un groupe à l’autre. Elle rejoint celui des endeuillés avant même qu’il y ait eu
contact entre eux et Jésus. Ainsi, ceux qui marchent en portant le mort ne savent pas
encore qu’ils vont vers la vie que Dieu leur réserve en Jésus, mais le lecteur
le sait déjà. Rien n’a encore été fait,
mais tout a été fait. Jésus n’a pas
encore fait un geste, il n’a pas encore prononcé une parole que tout semble
déjà accompli, comme si la vie était inscrite par avance dans les paroles et
les actes à venir de Jésus.
Il
y a toujours de la vie en Jésus et cette vie est
communicative. La vie qui anime Jésus lui vient de Dieu et Dieu se manifeste en
lui par sa parole. La parole de Dieu saisit ceux qui l’entendent et les
projettent dans un avenir où ils ne sont pas encore, mais où Dieu les attend
déjà. Certes, c’est le jeune homme qui est bénéficiaire du geste de Jésus, mais
tous, sans le savoir encore en profitent déjà. L’univers de Dieu se situe ailleurs. Il ne se limite pas aux deux espaces que nous avons
délimités : le village sécurisé à
l’intérieur des portes et l’extérieur où se situent la peur et la mort. Dieu
entraîne les participants vers l’invisible où se passera désormais leur
histoire. Ils entrent par l’action de Jésus dans le monde de l’esprit où
l’éternité les attend.
La
rencontre avec Jésus se fait à la porte de la ville. D’un côté il y a le
village où les hommes se croient protégés par les constructions solides des
maisons, par les remparts qui entourent la ville, par les portes qui tous les
soirs sont fermées. Ils ont mis tout leur génie pour qu’ils puissent y vivre en sécurité. De l’autre côté, nous
l’avons vu, il y a le danger. C’est là que se tient Jésus et il transforme ce
lieu d’inquiétude en lieu d’espérance. Jésus porte en lui le mystère de Dieu. Il ne semble pas accorder aux lieux les mêmes valeurs que les humains,
puisque c’est à l’extérieur des portes qu’il révèle l’action de Dieu. La mort
qu’ils redoutent, ne tient pas
compte non plus de la valeur des espaces
que les hommes ont délimités. Elle a fait son œuvre
maléfique dans le lieu sécurisé
par leurs soins, c’est pourquoi symboliquement ils la poussent hors la ville.
Et l’histoire nous apprend que hors la ville c’est le lieu où se tient Jésus
qui se trouve confronté de ce fait à la mort. La mort rejoint Jésus dans l'espace que redoutent les homme et où Dieu la détruit.
Porteur
de vie, Jésus transgresse alors tous les tabous. Sûr de son fait, il intervient dans le deuil de
la femme et avant qu’il se soit passé quoi que ce soit, il fait barrage à ses
pleurs. Il arrête le cortège. Il interrompt ainsi tout le rituel de la
mort. Il touche la civière sur laquelle
repose le jeune homme. En faisant ce geste il se rend lui-même impur. Il serait
incapable de poursuivre son action si après s’être adressé au jeune homme celui-ci
ne s’était pas relevé. L’impureté du
mort a disparu parce que le mort ne l’est
plus. La mort elle-même n’est plus.
« Lève-toi »
avait-il dit au mort. C’était en ces termes qu’Élie avait réveillé le jeune
homme dont on a parlé tout à l’heure. Élie faisait figure de grand prophète,
et même du plus grand des prophètes parce que, lui-même il n’avait pas connu la mort. Il
avait été enlevé par Dieu dans un char de feu. La question vient alors à
l’esprit des participants à l’événement : Jésus est-il un grand prophète comme Élie ? Est-il même plus grand que
lui ? Est-il le fils de Dieu ?
Question
à laquelle chacun de vous apportera une réponse
personnelle. A coup sûr, Jésus
est ici le maître de notre vie pour ce temps et pour tous les temps. Il devient
maître de la vie de chacun de nous. Il a suffi que la voix de Jésus
se fasse entendre pour que le jeune homme change de monde, pour
qu’il passe de la mort à la vie.
Quiconque aujourd’hui reconnaît la voix de Jésus est invité à faire la
même expérience de vie que ce jeune homme
afin que les portes de l’éternité
s’ouvrent pour lui.
1 commentaire:
Bonjour à vous,
Merci de ce beau commentaire !
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